Journal de séjour #65 – La période la plus sombre du Cambodge
La journée commence par un bon gros petit déjeuner. Notre chauffeur est paré, on peut enfin commencer cette journée riche en informations !
On traverse la ville, pleins de choses nous interpellent. On prend des photos partout en faisant attention de ne pas avoir un vol à l’arraché. On traverse même un petit village, les enfants nous crient “Hello”, on ne peut pas s’empêcher de leur faire coucou 🙂 On arrive enfin devant le Killing fields. Bon avant de commencer, on va parler d’une page de l’histoire triste du pays, je dirais même la partie sombre du Cambodge. Je vous raconte en deux trois phrases leur histoire pour bien comprendre ce qu’on a vu sur le champ.
Le 17 avril 1975, une troupe de mercenaires arrive à Phnom-Penh et le peuple les accueille comme des héros. En effet le peuple pense que les mercenaires ont réussi à repousser les attaques des Américains (je rappelle que c’est aussi la période qui marque la fin de la guerre du Vietnam). Ces mercenaires appelés Khmers Rouges (c’est le même nom en anglais) sont dirigés par un homme appelé Pol Pot. Pour la petite info, khmer est le nom donné pour qualifier un citoyen cambodgien et rouge la couleur du communisme. Donc les Khmers Rouges annoncent à la population qu’elle doit quitter la ville, abandonner leur maison dans l’heure car l’ennemi arrive dans la capitale. La population les écoute aveuglément et commence alors son exode vers la campagne. Les Khmers abandonnent leurs biens et partent avec le strict nécessaire, qu’ils soient jeunes, âgées, enceintes, malades, tous sans exception doivent quitter la ville. Durant cette marche beaucoup succomberont à cause de la fatigue ou de faim. Mais le plus grave reste qu’en vérité l’ennemi n’allait pas attaquer la capitale, les Khmers Rouges ont menti au peuple afin de prendre le pouvoir du pays.
Le peuple n’aurait jamais pensé qu’à ce moment-là il ne reviendrait plus chez lui. Pendant cette période, on demandait aux gens de la ville de travailler dans les rizières et de produire une quantité de riz impossible à livrer. Les paysans et les plus jeunes étaient pour la plupart enrôlés dans l’armée, tellement plus simple d’avoir une armée illettrée et facile à manipuler. Beaucoup de personnes, dites traîtres à la patrie, ont été envoyées en prison (je reviendrai plus tard sur ce sujet) et d’autres sont alors tuées sur un champ dédié comme le Killing Fields.
En sachant cela, je vais vous expliquer notre visite au Killing Fields ou champ de mort. Tous d’abord, on arrive dans un lieu où on peut voir au loin un monument qui est au centre de la place. À la billetterie, la place comprend un audioguide en français ! Du coup la visite est beaucoup plus compréhensible. On suit l’audioguide et à chaque étape on comprend ce qu’il s’est passé à chaque point du lieu. Le guide contient aussi des témoignages de survivants ou d’anciens Khmers Rouges. Des informations à écouter car leurs témoignages sont très souvent poignants et illustrent la cruauté et les horreurs durant cette période.
Les prisonniers étaient amenés par camion, ligotés, bâillonnés et aveuglés d’un bandeau. On leur disait qu’ils étaient transférés vers une autre prison ou d’autres champs pour éviter un mouvement de panique.
Les Khmers étaient emmenés sur le champ, on les tuait de plusieurs façons mais jamais à l’arme à feu car trop chère et trop bruyante. Il ne faut pas oublier qu’il y a des champs autour et il faut éviter d’éveiller les soupçons des paysans autour. Pour camoufler les cris, une musique était passée en fond sonore et les paysans pensaient qu’il s’agissait simplement d’un rassemblement de l’armée. Les armes étaient donc très diverses, ça pouvait aller du bâton avec des piques, d’un couteau pour trancher la gorge ou des outils utilisés normalement dans les exploitations agricoles. Pour finir, ils jetaient les corps tels quels dans des fosses communes.
(Délimitation d’une des fosses communes)
Les femmes et les enfants n’étaient pas épargnés et leurs sorts étaient pires. Les femmes étaient bien souvent violées puis tuées et jetées dans une fosse commune pour les femmes. Concernent les enfants, c’est sans doute une des parties les plus horribles à écrire donc si vous êtes un peu sensible sur ce sujet, passez au paragraphe suivant. Ces pauvres enfants étaient tenus par les pieds et frappés à la tête violemment contre un arbre. En un coup, les bébés mourraient la tête explosée contre l’arbre ensanglantée. Ils rejoignaient ensuite leurs mères dans la fosse commune. L’arbre porte même un nom : le Killing Tree. Sur la photo on peut voir des bracelets attachés sur l’arbre en hommage aux innocents.
Sur notre chemin on trouve une boite avec des vêtements et une autre avec des différents ossements (dents, os, etc.). On explique alors que tous les mois ces éléments remontent à la surface à cause de la pluie et du glissement de terrain. Si on en voit pendant la visite sur le terrain, il est demandé de ne pas y toucher. Ils seront récupérés plus tard.
Pour finir on arrive devant le monument où sont entreposés des ossements sur 17 étages (pour la date du 17 avril). Ce lieu est maintenant un symbole à la mémoires des victimes.
Avant de partir on fait un tour au musée, on peut y voir les armes, les tenues officielles des Khmers Rouges et beaucoup de photos d’archives.
On repart vers notre chauffeur qui nous ramène en centre-ville et s’arrête à la prison S21. A ce moment-là il nous demande s’il nous attend ou s’il peut partir. On le laisse partir, on ne sait pas combien de temps va prendre la visite et on n’est pas si loin de l’auberge. On le paye puis on se rend à la prison. Ici la prison S21 ou Tuol Sleng est connue tout comme le Killing Fields. C’est un lieu marquant de l’histoire du Cambodge. Je vais essayer de pas trop en dire sur la prison car l’expérience est unique, à faire absolument, et on comprend mieux les conditions de détention et de torture. À savoir il est vraiment nécessaire de prendre l’audioguide (il existe en français) car les témoignages sont poignants et les explications sont bien travaillées.
S21 était autrefois un lieu où les enfants venaient s’instruire et s’amuser avec leurs camarades d’école. Et oui S21 était un lycée avant de devenir un lieu de torture. Le nom du lycée était même Tuol Svay Prey qui signifie “colline aux manguiers sauvages” et pendant l’occupation des Khmers Rouges ils l’ont renommé Tuol Sleng qui signifie « Colline empoisonnée ». On prend alors le temps de voir la cour intérieure de l’établissement, on remarque alors un panneau avec le règlement intérieur instauré par les Khmers Rouges.(voir photo ci-dessous).
Lorsque les Khmers Rouges ont pris le contrôle du pays, ils ont réquisitionné les établissements scolaires pour en faire des camps de détention. Ici à S21 on compte 4 bâtiments, chacun avec trois étages. Dans chaque bâtiment on trouve des cellules, des lieux de torture ou encore des salles où les détenus étaient enchaînés au sol, obligés de rester allongés. Certains bâtiments ont même des fils barbelés ou des grillages pour éviter que les prisonniers ne se suicident. Y était enfermé tout suspect de trahison au régime et cela représentait toutes les têtes pensantes : lettrés, médecins, professeurs, personnes à lunettes (symbole du savoir)…
Dans la prison, les victimes étaient torturées pour leur demander des aveux, mais rien n’était sensé. En effet, la grande majorité n’avait jamais rien fait et afin d’abréger leurs souffrances plusieurs prisonniers firent des aveux complètement fictifs qui devaient être retranscris sur papier. Les aveux souhaités étaient souvent des balivernes, mais tout ce que voulaient les Khmers Rouges était une preuve de culpabilité. Ils forçaient même les étrangers à avouer qu’ils travaillaient pour la CIA alors que c’étaient de simples touristes. Pol Pot était complètement paranoïaque, il voyait des traîtres et des ennemis partout. C’est cette obsession complètement incompréhensible qui a engendré autant de victimes. Une des ces victimes, Vann Nath, a réussi à survivre à ce cauchemar et a décidé d’illustrer ces horreurs en peinture. Voici quelques exemples.
(source :arthistoryarchive.com)
(Source : Britannica.com)
Pour finir quelques photos des lieux, à certains endroits on peut voir des tâches sombres au sol…
Je ne vous en dis pas plus, car il faut vraiment le visiter, ne serait-ce qu’écouter les témoignages (peut-être sur un site). Pour finir on trouve un monument à la mémoire de ces morts, certains pays ont aidé à financer la construction de la stèle.
Après ce gros moment émotions, on décide d’aller visiter le Palais Royal. Étant pas loin de l’hôtel, on aimerait profiter du temps qu’on a pour visiter le lieu. On passe à travers pleins de petites rues, on cherche un endroit où manger en même temps mais on ne trouve que des établissements un peu chers. On remarque un institut français qui fait aussi resto, on s’y arrête. L’endroit est vraiment calme et on dirait un repère pour les Français. On se prend un bon sandwich et deux jus de fruits et on repart.
On arrive devant le palais mais un orage approche, on reporte la visite au lendemain. Ça sera boulot à l’hôtel, on se prend quelques nécessités à une boutique, je trouve une canette saveur gingembre (trop bon). Le soir on se prend un plat simple : burger au poulet et frites. Nous faisons la rencontre d’un Français, Mohammed. Étant professeur d’histoire, il est très agréable de papoter avec lui, particulièrement après une telle visite. Nous décidons de nous retrouver demain pour la visite du palais. Ce fut une sacrée journée, les visites nous ont permis de bien comprendre une partie importante du pays. Ils vont sans aucun doute, nous permettre de mieux comprendre son évolution.